Verticale de Château La Tour-Figeac : de 1974 à 2023 !
Château La Tour-Figeac, appellation Saint-Emilion Grand Cru et Grand Cru Classé :
Présentation
Château La Tour-Figeac est une discrète propriété familiale, figurant dans la classification des Grands Crus Classés de Saint-Emilion depuis son origine. Elle est située entre Château Figeac et Château Cheval-Blanc, aux portes de l’appellation Pomerol. La propriété, dont la création remonte à 1879, fait aujourd’hui 14,60 hectares d’un seul tenant, avec la particularité d’avoir des zones graveleuses (du côté de Cheval-Blanc) et sablo-graveleuses sur un sous-sol argileux. Actuellement, l’encépagement est à 63% de Merlot, et 37% de Cabernet Franc. Auparavant la propriété était sur un encépagement favorisant encore plus le Merlot, à 72%.
La verticale
Cette verticale intervient à l’initiative des propriétaires, la famille Rettenmaier. Ces derniers ont fait l’acquisition de Château La Tour-Figeac en 1973. Cette verticale était l’occasion de fêter leurs cinquante ans aux rênes de la propriété ! Voilà pourquoi nous commençons avec le millésime 1974 qui n’est autre que leur premier millésime. La plupart des vins furent servis en Magnum et via des Enomatics (je n’ai plus la référence exacte, mea culpa), permettant une large plage de dégustation aux nombreux invités. Sachez que pour certains millésimes je suis allé regouter en fin de journée l’évolution des vins via ce système, afin de vérifier la tenue des vins et la cohérence de mes notes.
Retrouvez dans ce post tous les scores scindés par décennies. Pour chacune, je vous partage gratuitement le commentaire du vin qui m’a le plus touché ! L’ensemble des commentaires sont quant à eux accessibles pour les abonnés dans la Tasting-Zone de mon site en cliquant ici.
Bonne lecture !
Scores Château La Tour-Figeac : 1974 à 1989
Les millésimes :
Sur cette période, indépendamment des standards de qualité lié aux notations, on trouve que le reflet du millésime s’exprime particulièrement bien dans les vins proposés et particulièrement le 1976 (89/100), qui pourrait être considéré comme une bouteille témoin de l’année en question. Pour mieux comprendre cela je vous livre le commentaire de la famille Rettenmaier sur l’année 1976, suivi de mon commentaire de dégustation :
« 1976 : L’année de sécheresse. Une année rythmée par des conditions météorologiques très difficiles, les vendanges s’effectuent sous des pluies violentes. »
Château La Tour-Figeac 1976, appellation Saint-Emilion Grand Cru : 89/100
(Avril 2024 en Magnum) Robe à l’intensité légère, sur un côté à la fois tuilé et orangé. Nez à la belle profondeur, exprimant des notes concentrées et fraiches de sous-bois, de cuir et de prunes rouges séchées. L’aération libère particulièrement ces notes de champignons. La perception en bouche est ample. On apprécie particulièrement le milieu de bouche, délicatement repris par la matière tannique qui s’est patinée d’agréable manière. Belle fraicheur aromatique en finale qui décuple la longueur tout en étant soutenue par un caractère mentholé du plus bel effet. Ce vin exprime très bien les particularités du millésime : on peut relier les conditions caniculaires de l’été 1976 à la forte perception de l’alcool en fin de bouche tout comme le côté rugueux, asséchant des tannins, mais dont le temps a permis une belle libération. Et l’on peut relier le caractère très mentholé et frais avec le côté pluvieux, semblant avoir particulièrement affecté les cabernets francs de l’époque. 89/100
Saluons dans les années 1980 le millésime 1982 (92/100) qui est une superbe réussite, parfaitement appréciable encore maintenant !
Château La Tour-Figeac 1982, appellation Saint-Emilion Grand Cru : 92/100
(Avril 2024) Robe légère et brillante, partagée entre le grenat et le tuilé. Très belle profondeur aromatique, exprimant de délicates notes florales avec de fraiches notes de menthe. Un intense côté épicé gagne progressivement en intensité, avec un fruité qui arrive tout de même à se faire une bonne place dans l’ensemble. Beau déroulé également en bouche, avec un élan fruité très entrainant, en provenance des prunes qui s’affichent en plusieurs variations. L’ensemble est dominé par les prunes rouges qui offrent relief et fraicheur. Bonne présence tannique et aussi belle prestance, les tanins ont un léger côté râpeux avec une pointe de cèdre en fin de bouche, non asséchante, participant même à la fraicheur ! Très beau millésime 1982 pour Château La Tour-Figeac qui s’apprécie parfaitement à présent. On pourrait encore le garder mais il faut profiter d’une aussi belle bouteille ! 92/100
Scores Château La Tour-Figeac : 1990 à 2009
Années 1990 :
En termes de notation il faudra attendre 1998 pour revenir sur des scores attrayants (91/100), ce qui coïncide justement avec l’arrivée de Stéphane Derenoncourt en tant que consultant de la propriété en 1997 (avec Julien Lavenu).
Château La Tour-Figeac 1998, appellation Saint-Emilion Grand Cru : 91/100
(Avril 2024, en Magnum) 70% Merlot, 30% Cabernet Franc. Rouge rubis et grenat avec quelques reflets orangés. Nez éloquent, sur de vives et concentrées baies rouges, très bien complétés par les épices et le côté mentholé. Bouche dense, sur des notes de cerises rouges et de prunes. La matière tannique est élancée, affirmant sa finesse et son élégance en fin de bouche. On apprécie ce vin à présent avec une matière tannique certes marquée, mais en excellente adéquation avec la concentration du fruité. Une réussite qui peut encore bien évoluer avec les années ! 91/100
Années 2000 :
On retrouve de jolis millésimes dans les années 2000 (notamment 2000,2004,2005 et 2009), avec une identité tannique plus proportionnée.
Château La Tour-Figeac 2009, appellation Saint-Emilion Grand Cru : 92/100
(Avril 2024, en Magnum) 78% Merlot, 22 % Cabernet Franc. Très belle robe baignant le verre d’un rouge rubis éclatant avec un peu de grenat. Nez très frais mais très concentré sur des notes d’herbes fraiches, de menthe poivrée, de cèdre et de baies rouges. Ces dernières gagnent en profondeur au fur et à mesure de l’aération. La bouche est dense, offrant une belle concentration. Le côté pulpeux que l’on retrouve souvent dans les vins de la propriété prend ici une dimension supplémentaire avec plus de matière. Cela va très bien avec la perception de l’élevage qui est puissante et encore très marquée. Il faudrait attendre 5 ans à minima pour cette bouteille, et 10 ans ne serait pas un problème, bien au contraire ! Malgré cette puissance on retrouve un très beau regain frais et fruité en fin de bouche. Un vin très réussi, très élégant, et au fort potentiel de garde. 92/100
Scores Château La Tour-Figeac : 2010 à 2023
Années 2010 :
Les années 2010 livrent d’excellents millésimes et le terroir de la propriété ne cesse de s’affirmer, délivrant des zones de fraicheur particulièrement bienvenues. Notons les millésimes 2010 : 93/100, 2015 : 94/100 (particulièrement frais ), 2016 : 93/100 (avec un très beau grain tannique), 2018 : 93/100 (le premier millésime en conversion à l’agriculture biologique), ou encore le 2019 : 94/100, massif, mais toujours frais et avec une grande élégance, en particulier en ce qui concerne les tanins.
Château La Tour-Figeac 2019, appellation Saint-Emilion Grand Cru : 94/100
(Avril 2024, en Magnum) 79% Merlot, 21% Cabernet Franc. Belle luminosité d’une robe jouant sur des nuances de rouge pourpre et de rubis. Nez intense et profond, dominé sur l’instant par une pointe de menthe poivrée qui offre au vin de l’envergure mais aussi de la fraicheur et de la complexité. La bouche est ample et concentrée, avec une très belle opulence de fruits frais. La fraicheur est le maître mot du vin et elle prend ici plusieurs points d’ancrage. Que cela soit en provenance des fruits, de l’acidité comme des tanins. Cette matière tannique est à ce propos d’une excellente densité et d’une grande précision. Un sentiment de raffinement presque immédiat en découle. Et pourtant ce vin n’en est qu’à ses balbutiements. La finale est longue et toujours fraiche. Un très grand millésime pour la propriété ! 94/100
Années 2020 :
Les beaux millésimes s’enchainent en cette nouvelle décennie et on ne peut souhaiter à la propriété que de continuer comme cela !
Château La Tour-Figeac 2020, appellation Saint-Emilion Grand Cru : 93/100
(Avril 2024, en Magnum) 72% Merlot, 28 % Cabernet Franc. Robe pourpre et violacée d’une bonne intensité. Nez concentré en baies noires, particulièrement le cassis. On retrouve quelques épices douces en suivant. La bouche est bien concentrée, dominée par le cassis, les mûres et les cerises noires. Le caractère cacao, complété par un aspect mentholé, se retrouve dans un second temps et offre de la complexité. Le déroulé apparaît comme très cohérent. La finale est puissante, reprenant le caractère épicé. Très prenant pour l’heure, avec des tanins élégants mais très puissants. Un millésime de grande garde se profile. Le caractère rafraichissant que l’on perçoit en fin de bouche est particulièrement prometteur. On appréciera ce vin après une garde d’au moins 7 ans, idéalement 12. 93/100
Considérations sur les millésimes dégustés :
Les anciens millésimes ont généralement des intensités tanniques très marquées, que l’on pourrait trouver disproportionnées vis-à-vis d’autres paramètres, mais cela a le mérite de maintenir les très vieux millésimes. On perçoit aussi un subtil changement de qualité tannique à partir de 1988, mais je ne dispose pas d’éléments pour étayer ce point. Peut-être la propriété pourra rajouter des données, sur le type d’élevage, la provenance, ou les choix techniques ? (Edit : en reprenant le livret, 1988 coïncide avec le « réaménagement des chais », mais cela reste flou.)
A partir de 1997, date de la collaboration avec Stephane Derenoncourt il est vrai que le travail sur l’apport de la matière tannique se perçoit. On est bien plus équilibré avec le fruité, et cela va très bien à la propriété. Attention tout de même à ce genre de propos, car Stéphane Derenoncourt et son équipe, aussi talentueux qu’ils soient, restent des hommes ! Et sur le très difficile millésime 1999 (87/100) il n’y a pas de miracles. Idem en 2013 (89/100) où il semblerait que l’on ait voulu donner plus d’amplitude à ce que l’année proposait. Cette sensibilité dans l’équilibre permet en tout cas de faire ressurgir un trait caractéristique de la propriété, qui bénéficie d’un regain sapide dès le milieu de bouche, venant donner beaucoup de relief à l’ensemble, et c’est vraiment une très bonne chose. Bravo !
Je tenais à remercier la famille Rettenmeir pour leur générosité vis à vis de cette incroyable opportunité.
Xavier LACOMBE
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